Bonjour à toutes et à tous,
Les musées devraient bientôt ré-ouvrir et cela me donne envie de vous parler de l’exposition organisée par le Musée d’Orsay que j’ai visité le 14 janvier 2020. Pourquoi maintenant? Parce qu’avant, je n’avais pas le coeur à vous parler de quelque chose que nous ne pouvions plus faire. Aujourd’hui, je suis enthousiaste à l’idée de vous montrer cette exposition : Degas à l’Opéra. Je ne résiste pas et vous mets des photos du musée avant cela…
Degas à l’Opéra
Des années 1860 à la fin de sa vie, Degas a basé l’Opéra au centre de son oeuvre. Il en explore le moindre recoin et peint tous ceux qui en font partie de la danseuse au spectateur. C’est pour lui un microcosme qui lui permet beaucoup d’expérimentations. Il étudie les gestes, les lumières différentes, les étoffes et choisit les médiums qui lui semblent les plus adaptés. C’est à son atelier que Degas fait son opéra, ses oeuvres sont donc entre la réalité et ses souvenirs.
L’artiste s’inspire des sculptures antiques pour les mouvements de ses personnages. Il disait « Le secret, c’est de suivre les avis que les maîtres nous donnent par leurs oeuvres en faisant autre chose que ce qu’ils ont fait. »
Degas et la musique
La musique tient une place importante dans la vie de Degas de part son éducation. Son père tient le lundi un salon de musiques anciennes, dont celle de Christoph Willibald Gluck. Degas en est fan. En 1870, Désiré Dihau, bassoniste à l’Opéra commande son portrait au peintre. Cette toile « mon premier orchestre » est le premier succès de l’artiste et annonce de nombreuses compositions mettent en scène les musiciens. Il peint à la même période ses premières classes de danses. C’est pour cela qu’il choisit l’Opéra comme théâtre pour son inspiration. L’ambitions de Degas sera de faire le portrait de gens dans leurs attitudes familières.
L’Opéra de Charles Garnier
Garnier a dessiné un plan parfaitement clair de ce qui sera le futur Opéra. Il se découpe en trois parties : l’entrée avec son grand escalier, la salle de spectacle et la scène, et le foyer de la danse et le bâtiment de l’administration. Le magistral et théâtral escalier fait parti des éléments qui ont séduit le jury du concours. Et les abonnés, dont Degas faisait parti, avaient à chaque fois cette surprise visuelle quand ils arrivaient à l’Opéra. La salle avait une très bonne acoustique et les extrémités de celle-ci étaient moins resserrés que l’ancien Opéra de la rue Le Peletier.
Degas connaitra deux Opéras à Paris : celui de la rue Le Peletier jusqu’en 1873, date de l’incendie qui l’a détruit, puis le Palais Garnier à partir de 1875, date de son ouverture. Lorsque Degas commence à travailler au premier, il était déjà voué à disparaître. Après l’incendie, l’artiste n’adaptera pas ses travaux en cours au nouvel Opéra, mais gardera peut être par nostalgie l’esthétique de l’Opéra imaginé par François Debret.
Le nouvel Opéra déplait à l’artiste, même si l’abonné continue à le fréquenter. Il y a plusieurs raisons à cela. Il le trouvait trop luxueux et surtout, le Palais Garnier était un monument phare du second empire que Degas détestait…
Degas et les salles de danse
Le peintre laisse planer le doute sur l’endroit qu’il représente, mais on peut entrevoir l’Opéra Le Peletier par certains détails. Les mises en scènes ne correspondent pas forcément non plus à la réalité. Il peint les danseuses pendant leurs exercices à la barre et au milieu de la salle où se déroulent les entrechats, pointes et autres ronds de jambes.
La Classe de danse – commencé en 1873, achevé en 1875/76 – huile sur toile L’Entrée en scène – 1876/1883 – huile sur toile
A partir de 1874, Degas participe à presque toutes les expositions impressionnistes de la « Société anonyme des artistes » en exposant une forte proportion d’oeuvres dont le thème est l’Opéra et la danse.
En 1878, la danseuse Marie Van Goethem pose pour la sculpture « Petite danseuse de quatorze ans ». Elle sera présentée au public en 1881 à la sixième exposition impressionniste. C’est la seule sculpture que Degas exposera de son vivant.
Sérieux dans un endroit frivole
C’est Ludovic Halévy, romancier, qui introduit Degas à l’Opéra. En retour, l’artiste le représentera « sur la scène » dans un pastel montré en 1879. Le dramaturge est un habitué type de l’Opéra. Il y puise l’inspiration pour ses nouvelles à succès qui parlent des aventures galantes de deux petits rats. Degas en illustrera quelques épisodes. Les « monotypes Cardinal », du nom des héroïnes des nouvelles, changent au fur et à mesure des années. Les mères des danseuses et les abonnés ne sont plus dans les coulisses mais prennent de la place sur scène.
Virginie se faisant admirer devant le marquis Cavalcanti – vers 1876/77 – pastel sur monotype à l’encre noire Dans la coulisse – 1870/80 – crayon lithographique sur papier vélin
L’Opéra, catalyseur de l’art de Degas
Il permet à Degas de renouveler ses médiums, ses formats d’oeuvres et ses points de vue. L’artiste a pratiqué l’ensemble de ses techniques en puisant son inspiration à l’Opéra. Il explore de nombreux styles différents des monotypes très contrastés aux pastels souvent associés à la beauté éphémère en passant par la sculpture. Il dessine et esquisse énormément, ce qui lui donne une bibliothèque de données qu’il utilisera au fur et à mesure de sa vie.
Les éventails et tableaux longs
L’attribut féminin par excellence est au XIXème siècle l’éventail.L’essor était lié à l’admiration portée à l’art japonais. Cela permet au peintre d’expérimenter de nouveaux formats. Degas aura réalisé 27 éventails dont la majorité sur le thème du ballet. Il abordera dans les années 1885 le travestissement et les chanteurs.
Les tableaux longs de Degas sont des doubles carrés. Il les construit le long d’un axe diagonal. Le sujet est inévitablement les danseuses, mais aussi les jockeys. Ces deux thèmes ainsi que les angles choisis donnent l’impression que la course ou l’action se termine en dehors du tableau. Ces toiles sont un travail sur le mouvement, la grâce et l’élan.
La lumière
Degas s’intéressera toujours aux éclairages et à la lumière des salles de spectacles. D’une part, il croque dans son carnet les lustres et les becs de gaz, d’autre part, il étudie l’impact de la lumière sur les corps et les visages. Il aime les contrastes violents entre l’ombre et la clarté. La lumière sculpte le réel dans l’oeuvre de Degas.
Choristes (dit aussi les figurants) – 1877 – pastel sur monotype Etude de loge au théâtre – 1880 – Pastel et huile sur carton marouflé sur toile
Grands dessins
Les années passant, Degas perd de plus en plus la vue. Il se concentre sur de grands dessins au pastel. Il cherche à montrer le mouvement des corps dansants. Au XXIème siècle, on voit ses oeuvres comme étant d’une grande modernité alors qu’à l’époque, les gens ressentaient la lutte de Degas contre la perte de la vue. Il dessine de plus en plus de mémoire laissant libre court à ses souvenirs et son imagination.
Danseuses à la barre Danseuses bleues Trois danseuses Trois danseuses (jupes bleues, corsage rouge)